Essieu de charrette sicilienne

Catane, fin du XIXe siècle

On demeure surpris, en quittant le bateau, par le mouvement et la gaieté de cette grande ville de deux cent cinquante mille habitants [Palerme], pleine de boutiques et de bruit, moins agitée que Naples, bien que tout aussi vivante. Et d'abord, on s'arrête devant la première charrette aperçue.

De petites boites carrées haut perchées sur des roues jaunes, sont décorées de peintures naïves et bizarres qui représentent des faits historiques ou particuliers, des aventures de toute espèce, des combats, des rencontres de souverains, mais surtout des batailles de Napoléon Ier et des Croisades. Une singulière découpe de bois et de fer les soutient sur l’essieu; et les rayons de leurs roues sont ouvragés aussi, la bête qui les traîne porte un pompon sur la tête et un autre au milieu du dos, et elle est vêtue d’un harnachement coquet et coloré, chaque morceau de cuir étant garni d’une sorte de laine rouge et de menus grelots. Ces voitures peintes passent par les rues, drôles et différentes, attirent l’œil et l’esprit, se promènent comme des rébus qu’on cherche toujours à deviner.

Guy de Maupassant, En Sicile (1886), repris dans La Vie errante (1890)

Notre charrette a appartenu à un certain Carmelo Castorina de Catane. Il a demandé au sculpteur de représenter une scène de rixe, très probablement tirée du célèbre opéra en un acte de Pietro Mascagni, "Cavalleria rusticana", adapté d'une nouvelle de Giovanni Verga (lui-même de Catane) et créé à Rome le 17 mai 1890.
L'histoire est, vous vous en doutez, dramatique: Turiddu, le fils de la marchande de vin Mamma Lucia, est amoureux de Lola mais doit partir à la guerre. Pendant son absence, Lola se marie avec Alfio, un beau charrettier... Quand Turiddu revient, il se console dans les bras de Santuzza mais continue de conter fleurette à Lola. C'est très mal. Santuzza, folle de jalousie, raconte tout à Alfio. Toute cette belle équipe se retrouve à l'auberge après la messe de Pâques et Turiddu veut porter un toast aux "vrais amoureux"... Alfio refuse le verre tendu, les hommes s'empoignent, se battent en duel: Turiddu est tué, et l'opéra se termine dans les hurlements de désespoir des femmes...

On peut voir sur la scène sculptée, à gauche, Mamma Lucia en train de gronder son fils et, à droite, les deux hommes se précipiter l'un sur l'autre, Alfio avec un couteau et Turiddu avec un pistolet, à moins que ce ne soit l'inverse.

C'est tragique, en tout cas.

Essieu de charrette sicilienne
Bois sculpté et fer forgé
Catane, Sicile, fin du XIXe - début du XXe siècle
Longueur: 113 cm / hauteur: 40 cm
 

REF : 131
Vendu

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